"Qu'ils soient transmis de père en fils ou de maitre à disciples, qu'ils
soient réservés aux initiés et spécialistes ou destinés au public des
lettrés, les savoirs constitutifs de ce que l'on pourrait appeler la
science ou la pensée du monde gréco-romain ont eu à répondre à cet
impératif de la transmission, sans laquelle le progrès de la
connaissance ne saurait advenir."
"La philologie est une science de la transmission. Le philologue est un passeur. Dépositaire d'un imaginaire et de savoirs confiés à l'écrit par les Anciens, il a la charge d'en assurer la conservation, la résurrection parfois, et de faire en sorte qu'il puisse donner à tous matière à penser et à rêver. Il veille à ce que les langues du passé conservent un sens pour l'homme moderne ; il entretient le lien entre les Anciens et les Modernes. Cette perspective historique et diachronique oriente la philologie et les sciences de l'Antiquité. il s'agit de penser le passage de l'Antiquité à la Modernité, de penser les ruptures, mais aussi et surtout d'affirmer la permanence et le maintien d'une tradition. Tel est le sens premier que la notion de transmission revêt dans nos disciplines classiques.
Mais avant de nous être transmis sous la forme que nous connaissons, c'est-à-dire celle d'une littérature, les savoirs de l'Antiquité ont d'abord été des disciplines ou des pratiques, plus ou moins théoriques, plus ou moins techniques, dont les Anciens eux-mêmes eurent à assurer l'organisation et la transmission.Qu'ils soient transmis de père en fils ou de maitre à disciples, qu'ils soient réservés aux initiés et spécialistes ou destinés au public des lettres, les savoirs constitutifs de ce que l'on pourrait appeler la science ou la pensée du monde gréco-romain ont eu à répondre à cet impératif de la transmission, sans laquelle le progrès de la connaissance ne saurait advenir.
Or, les modes de transmission sont multiples : ils sont liés aux circonstances ou à la nature même des disciplines et des contenus. Transmission écrite ou orale, transmission par un enseignement scolaire ou par la voie de l'expérience, les stratégies et les procédés sont divers. "
Sous la direction de Frédéric LE BLAY, Transmettre les savoirs dans les mondes hellénistique et romain, Presses Universitaires de Rennes, 2009 (p1)
lundi 26 mai 2014
"Qu'ils soient transmis de père en fils ou de maitre à disciples, qu'ils soient réservés aux initiés et spécialistes ou destinés au public des lettrés, les savoirs constitutifs de ce que l'on pourrait appeler la science ou la pensée du monde gréco-romain ont eu à répondre à cet impératif de la transmission, sans laquelle le progrès de la connaissance ne saurait advenir." de Frédéric Le Blay
dimanche 25 mai 2014
"La haute éducation, la seule qui méritait un peu ce nom, était réservée aux prêtres, aux architectes, aux médecins et enfin aux scribes dont nous avons dit l'importance sociale" de Roger Gal p 18
"La haute éducation, la seule qui méritait un peu ce nom,
était réservée aux prêtres, aux architectes, aux médecins et
enfin aux scribes dont nous avons dit l'importance sociale"
« Dans un ordre social aussi rigide, l'éducation ne pouvait être que de deux types : elle était essentiellement pratique et professionnelle, familiale ou corporative, pour les gens du peuple et elle se bornait dans ce cas à conduire à un métier. La haute éducation, la seule qui méritait un peu ce nom, était réservée aux prêtres, aux architectes, aux médecins et enfin aux scribes dont nous avons dit l'importance sociale. Elle était toute entre les mains des prêtres, détenteurs de la science profane du temps comme des idées religieuses. Elle portait sur la religion, les lois et les connaissances d'astronomie, de mathématiques, de mécanique ou de médecine que l'on pouvait considérer comme acquises et utiles à transmettre à cette époque. Ce lien étroit de la science et de la religion, ce privilège de la culture, dureront jusqu'à l'époque moderne.
On verra le bénéfice de l'éducation s'étendre peu à peu, et les sciences se dégager de l'emprise religieuse les unes après les autres au fur et à mesure qu'elles assureront leurs méthodes et conquerront leur indépendance dans leur domaine.
A l'origine l'éducation est une et, si l'on peut dire, totalitaire. Elle est en même temps étroitement dépendante de l'organisation économique, sociale et politique comme elle l'est à l'égard de la religion du pays où elle se donne. Quant à ses méthodes, elles correspondent exactement à l'esprit et aux fins sociales ou morales de l'époque : la mémoire et l'imitation sont les facultés les plus habituellement exercées ; parfois on innove en faisant apprendre les nombres par manière de jeu. La discipline rigide admet normalement la punition corporelle : l'adulte n'aura-t-il pas lui-même à supporter la bastonnade ?
On ne songe pas à faire une place quelconque à l'individualité. Bien adapter et conformer chacun au monde où il aura à vivre sans qu'il ne se pose d'inutiles problèmes ou qu'il en pose aux autres n'est-ce pas la seule finalité sociale que l'éducation saura observer ? »
Roger Gal, Histoire de l'éducation, Paris, presses universitaires de France, 1948, p 18, 19
« Dans un ordre social aussi rigide, l'éducation ne pouvait être que de deux types : elle était essentiellement pratique et professionnelle, familiale ou corporative, pour les gens du peuple et elle se bornait dans ce cas à conduire à un métier. La haute éducation, la seule qui méritait un peu ce nom, était réservée aux prêtres, aux architectes, aux médecins et enfin aux scribes dont nous avons dit l'importance sociale. Elle était toute entre les mains des prêtres, détenteurs de la science profane du temps comme des idées religieuses. Elle portait sur la religion, les lois et les connaissances d'astronomie, de mathématiques, de mécanique ou de médecine que l'on pouvait considérer comme acquises et utiles à transmettre à cette époque. Ce lien étroit de la science et de la religion, ce privilège de la culture, dureront jusqu'à l'époque moderne.
On verra le bénéfice de l'éducation s'étendre peu à peu, et les sciences se dégager de l'emprise religieuse les unes après les autres au fur et à mesure qu'elles assureront leurs méthodes et conquerront leur indépendance dans leur domaine.
A l'origine l'éducation est une et, si l'on peut dire, totalitaire. Elle est en même temps étroitement dépendante de l'organisation économique, sociale et politique comme elle l'est à l'égard de la religion du pays où elle se donne. Quant à ses méthodes, elles correspondent exactement à l'esprit et aux fins sociales ou morales de l'époque : la mémoire et l'imitation sont les facultés les plus habituellement exercées ; parfois on innove en faisant apprendre les nombres par manière de jeu. La discipline rigide admet normalement la punition corporelle : l'adulte n'aura-t-il pas lui-même à supporter la bastonnade ?
On ne songe pas à faire une place quelconque à l'individualité. Bien adapter et conformer chacun au monde où il aura à vivre sans qu'il ne se pose d'inutiles problèmes ou qu'il en pose aux autres n'est-ce pas la seule finalité sociale que l'éducation saura observer ? »
Roger Gal, Histoire de l'éducation, Paris, presses universitaires de France, 1948, p 18, 19
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"l'Age des Professions: ce temps où (....) les électeurs donnaient à des technocrates le pouvoir de légiférer à propos de leurs besoins" de Ivan Illich, Le chômage créateur, p 39
l'Age des Professions: ce temps où (....) les électeurs donnaient à des technocrates le pouvoir de légiférer à
propos de leurs besoins,
Pour voir clairement le présent, imaginons les enfants qui joueront bientôt dans les ruines ds lycées, des hôtels Hilton et des hôpitaux. Dans ces châteaux professionnels devenus cathédrales, édifiés pour nous protéger de l'ignorance, de l'inconfort et de la mort, les enfants de demain réinterpréteront dans leur jeux les illusions de notre Age des Professions, comme nous reconstruisons, à partir des châteaux et des cathédrales, les croisades des chevaliers contre le péché et le Turc, pendant l'Age de la Foi. Les enfants mêleront dans leurs jeux le charabia qui pollue aujourd'hui notre langue aux archaïsmes hérités des histoires de brigands et de cowboys. Je les vois s'adresser l'un et l'autre en tant que président et secrétaire plutôt qu'en tant que gendarme et voleur. Bien entendu, les adultes rougiront lorsqu'ils s'oublieront à employer des termes du baragouin gestionnaire, tels que prise de décision, planification sociale et solution des problèmes.
On se souviendra de l'Age des Professions comme de ce temps où la politique s'est étiolée, tandis que, sous la houlette des professeurs, les electeurs donnaient à des technocrates le pouvoir de légiférer à propos de leurs besoins, l'autorité de décider qui a besoin de quoi, et le monopole des moyens par lesquels ces besoins seraient satisfaits. On s'en souviendra comme l'Age de la scolarité, âge où les gens , pendant un tiers de leur vie, étaient formés à accumuler des besoins sur ordonnance et, pour les deux autres tiers, constituaient la clientèle de prestigieux trafiquants de drogue qui entretenaient leur intoxication. On s'en souviendra comme de l'âge où le voyage d'agrément signifiait un déplacement moutonnier pour aller lorgner des étrangers, où l'intimité nécessitait de s'exercer à l'orgasme de Masters et Johnson, où avoir une opinion consistait à répéter la dernière causerie télévisé, où voter était approuver un vendeur et lui demander de "remettre ça".
Illich Ivan, Le chômage créateur, Paris, éditions du Seuil, 1977, p 39
On se souviendra de l'Age des Professions comme de ce temps où la politique s'est étiolée, tandis que, sous la houlette des professeurs, les electeurs donnaient à des technocrates le pouvoir de légiférer à propos de leurs besoins, l'autorité de décider qui a besoin de quoi, et le monopole des moyens par lesquels ces besoins seraient satisfaits. On s'en souviendra comme l'Age de la scolarité, âge où les gens , pendant un tiers de leur vie, étaient formés à accumuler des besoins sur ordonnance et, pour les deux autres tiers, constituaient la clientèle de prestigieux trafiquants de drogue qui entretenaient leur intoxication. On s'en souviendra comme de l'âge où le voyage d'agrément signifiait un déplacement moutonnier pour aller lorgner des étrangers, où l'intimité nécessitait de s'exercer à l'orgasme de Masters et Johnson, où avoir une opinion consistait à répéter la dernière causerie télévisé, où voter était approuver un vendeur et lui demander de "remettre ça".
Illich Ivan, Le chômage créateur, Paris, éditions du Seuil, 1977, p 39
vendredi 23 mai 2014
"distinguer la division des tâches, les activités de enfants et des adultes, des hommes et des femmes." par Sophie A. de Beaune
Peu à peu une nouvelle génération de chercheurs se penchent sur le Paléolithique avec un regard neuf et de nouvelles techniques.
"L'ambition d'aborder la "vie quotidienne" au Paléolithique exige de se situer dans le temps concret, qualifié, vécu, de l'existence des groupes et des individus, et de pouvoir déceler, à partir d'un matériel rare et fragmentaire, les pratiques habituelles et les actes exceptionnels, les rythmes saisonniers des activités et des déplacements, les croyances et les rites religieux, mais aussi ce qui peut permette de distinguer la division des tâches, les activités de enfants et des adultes, des hommes et des femmes. De tels questionnements exigent des approches fines et inventives, des techniques de recherche et d'études sophistiquées. Ils se heurtent aussi à d'évidentes difficultés, voire parfois à de véritables impasses."
Sophie A. de Beaune (2007), Chasseurs-cueilleurs, CNRS Editions, Paris, p 3
"L'activité, l'effort, l'accomplissement, (...) : une menace pour une société du produit marchand"
"L'activité, l'effort, l'accomplissement, l'utilité hors du cercle des
rapports hiérarchiques et non étalonnés professionnellement,
représentent une menace pour une société du produit marchand. Tout en
échappant à la comptabilité nationale, la création de valeurs d'usage ne
limite pas seulement le besoin d'un surcroit de produits, mais aussi
les postes de travail qui les élaborent et les salaires nécessités pour
les acheter. S'efforcer de produire quelque chose de plaisant, aimer ce
que l'on fait, sont des notions vides de sens dans une société où seul
compte le couple main-d'oeuvre/capital. La sensation d'accomplissement
que procure l'action n'a plus cours lorsque seul importe le statut
social au sein des rapports de production, à savoir : la place, la
situation, le poste ou la nomination. Au Moyen Age, alors qu'il n'y
avait pas de salut hors de l’Église, les théologiens achoppaient sur la
question de savoir ce que Dieu ferait des païens ayant mené une vie
"exemplaire".
De la même façon, dans la société contemporaine, l'effort n'est productif que s'il est fait à l'incitation du patron, et les économistes achoppent sur la question de l'utilité évidente de gens échappant au contrôle d'une corporation, d'un organisme, d'un corps de volontaires ou d'un camp de travail. Le travail n'est productif respectable et digne du citoyen que lorsque son processus est planifié, dirigé et contrôlé par un agent professionnel, garantissant qu'il répond à un besoin "normalisé". Dans une société industrielle avancée, il devient impossible de ne pas vouloir exercer d'emploi pour se livrer à un travail autonome et utile. C'est même aller déjà trop loin que d'oser l'envisager."
Ivan Illich Le Chômage créateur p. 76-77 éd. Le Seuil 1977
De la même façon, dans la société contemporaine, l'effort n'est productif que s'il est fait à l'incitation du patron, et les économistes achoppent sur la question de l'utilité évidente de gens échappant au contrôle d'une corporation, d'un organisme, d'un corps de volontaires ou d'un camp de travail. Le travail n'est productif respectable et digne du citoyen que lorsque son processus est planifié, dirigé et contrôlé par un agent professionnel, garantissant qu'il répond à un besoin "normalisé". Dans une société industrielle avancée, il devient impossible de ne pas vouloir exercer d'emploi pour se livrer à un travail autonome et utile. C'est même aller déjà trop loin que d'oser l'envisager."
Ivan Illich Le Chômage créateur p. 76-77 éd. Le Seuil 1977
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rapports hiérarchiques,
société marchande,
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jeudi 22 mai 2014
"L'être conscient de son incomplétude dans un mouvement permanent de recherche" (Paulo Freire "Pédagogie de l'autonomie")
Paulo Freire donne une très belle définition qui résume ce qu'est l'être humain :
"La conscience du monde et la conscience de soi comme être inachevé inscrivent nécessairement l'être conscient de son incomplétude dans un mouvement permanent de recherche. A la vérité, ce serait une contradiction si, inachevé et conscient de l'inachèvement, l'être ne s'insérait pas dans un tel mouvement. En ce sens, pour les femmes et les hommes, demeurer dans le monde signifie nécessairement avec le monde et avec les autres. Il n'est pas possible d'être dans le monde sans faire l'Histoire et sans être fait par elle, sans faire la culture, sans "traiter" sa propre présence dans le monde, sans rêver, chanter, faire de la musique, ni peindre, sans s'occuper de la terre, des eaux, sans utiliser ses mains, sans sculpter, ans philosopher, sans point de vue sur le monde, sans faire de la science ou de la théologie, sans s'étonner face au mystère, sans apprendre, sans enseigner, sans idée de formation, sans faire de la politique. C'est dans l'incomplétude de l'être qui se sait comme tel que se fonde l'éducation comme processus permanent."
"La conscience du monde et la conscience de soi comme être inachevé inscrivent nécessairement l'être conscient de son incomplétude dans un mouvement permanent de recherche. A la vérité, ce serait une contradiction si, inachevé et conscient de l'inachèvement, l'être ne s'insérait pas dans un tel mouvement. En ce sens, pour les femmes et les hommes, demeurer dans le monde signifie nécessairement avec le monde et avec les autres. Il n'est pas possible d'être dans le monde sans faire l'Histoire et sans être fait par elle, sans faire la culture, sans "traiter" sa propre présence dans le monde, sans rêver, chanter, faire de la musique, ni peindre, sans s'occuper de la terre, des eaux, sans utiliser ses mains, sans sculpter, ans philosopher, sans point de vue sur le monde, sans faire de la science ou de la théologie, sans s'étonner face au mystère, sans apprendre, sans enseigner, sans idée de formation, sans faire de la politique. C'est dans l'incomplétude de l'être qui se sait comme tel que se fonde l'éducation comme processus permanent."
Le savoir en échanges
De nombreux auteurs, depuis des siècles, ont mis en lumière les processus d'entraide entre les Humains.
Une entraide qui était commune et ordinaire avant qu'apparaisse l'agriculture et donc l'esclavage et les guerriers. Avant la pédagogie qui visait à reproduire ces guerriers.
Ce nouveau blog aura comme première fonction de placer des projecteurs sur les textes de ces auteurs.
Le premier, ce sera un très beau texte de Paulo Freire.
Il donne une définition de ce qu'est un être humain. Et c'est précisément de cette définition que découle toute sa pédagogie.
Bonnes lectures
Julie Amadis
Une entraide qui était commune et ordinaire avant qu'apparaisse l'agriculture et donc l'esclavage et les guerriers. Avant la pédagogie qui visait à reproduire ces guerriers.
Ce nouveau blog aura comme première fonction de placer des projecteurs sur les textes de ces auteurs.
Le premier, ce sera un très beau texte de Paulo Freire.
Il donne une définition de ce qu'est un être humain. Et c'est précisément de cette définition que découle toute sa pédagogie.
Bonnes lectures
Julie Amadis
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esclavage,
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