lundi 27 avril 2015

Les enfants apprennent mieux quand on leur permet d'être utile (#IpEaVàEaFàF)

Les enfants apprennent mieux quand on leur permet d'être utile (#IpEaVàEaFàF)


Quelques unes des marionnettes qu'avaient fabriquées
mes élèves de CE1 en décembre 2013 pour le spectacle
devant les parents d'élèves. Le rapport d'inspection n'a vu
aucun travaux artistiques cette année de mon exclusion.
par Julie Amadis
#IpEaVàEaFàF
écrit le 11/10/14
Publié le 27/04/15

L'enthousiasme de mes élèves quand il s'agissait d'être utile aux autres est sans commune mesure avec toutes les autres activités qu'aiment traditionnellement les enfants comme  les sorties scolaires, les activités de découverte etc....

RACONTER AUX "PETITS" DES HISTOIRES EN ANGLAIS (2012-2013)

En 2012-13, quand mes élèves de 9-10 ans (CM1) allaient chez les "petits" de 6-7 ans (CP-CE1) leur lire des livres en anglais,  ils amélioraient considérablement le ton, l'accent, le vocabulaire en anglais. Un élève (bilingue) dont l'anglais était la langue maternelle et arrivé en France à l'âge de 6 ans était le conseiller technique de toute la classe : c'est lui qui veillait dans tous les groupes d'enfants à l'utilisation du bon accent.

DES EXPOSES EN CLASSE DEVANT LES CAMARADES PUIS POUR UN SITE D'ÉCOLE QUI DEVIENNENT UN "SPECTACLE D'EXPOSÉS" DEVANT 70 PARENTS D'ÉLÈVES ET FAMILLES (école Dauphine au Havre juin 2012)

En 2011-2012, les exposés des élèves de CE2 (8-9 ans) étaient faits devant leurs camarades : 3 élèves au tableau décrivaient un thème librement choisi. Puis, ces exposés étaient rédigés pour les mettre sur le site de l'école. Enfin, ces exposés furent présentés dans un spectacle de fin d'année aux parents. Avec un grand écran présentant les images et les photos préparées sur ordinateurs par les enfants en groupes de 3.
Tout ce travail de préparation leur avait fait faire des progrès importants en rédaction, en recherche d'informations et en culture générale.
Adultes, témoins de leur exposé, nous avions été stupéfaits par le travail de précisions et de sérieux de ces élèves qui n'avaient que 8 et 9 ans !

UN SPECTACLE DE MARIONNETTES ÉCRIT, JOUE, MIS EN SCÈNE ET PRÉSENTÉ AUX PARENTS D'ÉLÈVES PAR DES ENFANTS DE 7-8 ANS (école Valmy Le Havre décembre 2013)

 J'ai pu constater la créativité des enfants et leur capacité à se surpasser quand il s'agissait d'informer, de faire passer un bon moment aux spectateurs, de faire rire les autres.
Des enfants de CE1 (aucun n'avait huit ans) avaient réalisé un spectacle de marionnettes entre novembre et décembre 2013.
Ils se montrèrent capables d'inventer seuls des histoires (voir en bas de la page) après avoir choisi eux-mêmes quels en étaient les personnages.
Pendant le spectacle du 20 décembre 2013, ils ont fait mourir de rire à 2 reprises une salle de plus de 60 personnes
Les enfants aident aussi leurs camarades spontanément et quand on les laisse pouvoir le faire, ils sont contents d'apprendre pour pouvoir expliquer aux autres ensuite.

APPRENDRE POUR ÊTRE UTILE AUX AUTRES
OU "L'ENSEIGNEMENT POUR L'ENSEIGNEMENT"




Where is Spot ? de Eric Hill est l'un des livres que les CM1 que j'avais une fois par semaine lisaient aux CP et aux CE1. Ils revenaient dans la classe enthousiasmés de la réaction des plus petits. Et les collègues des classes de cours préparatoires me disaient que "leurs élèves attendaient avec impatiente la venue des plus grands"

Dans mes classes, les enfants étaient tous très enthousiastes et actifs quand il s'agissait de construire quelque chose de concrètement utile qui allaient servir à d'autres.
Apprendre pour soi uniquement n'a pas toujours de l’intérêt. L'humain a vocation à être utile. Les enfants ne font pas exception, bien au contraire.
Demandez à des enfants de vous aider à porter des chaises...
Tous se battront pour venir vous aider.
Il faut donc tenir compte de cette volonté d'"utilité dans l'apprentissage" et mettre en relation apprentissage et utilité sociale.

IVAN ILLICH CRITIQUAIT
L'"ENSEIGNEMENT POUR L'ENSEIGNEMENT"


Ivan Illitch critiquait justement cette pensée éducative de "l'enseignement pour l'enseignement".
"Où trouverait-on à l'école les conditions propres à encourager la libre expérimentation des connaissances acquises, la découverte personnelle ? (C'est cette définition que je voudrais donner à l'expression "éducation libérale" que j'utiliserai par la suite.) Ces conditions ne se rencontrent pas dans l'établissement scolaire parce que l'élève est contraint d'y être, parce que la doctrine c'est "l'enseignement pour l'enseignement". Il est donc là en résidence surveillée, en compagnie d'enseignants, et la récompense qui lui est promise c'est d'y demeurer un peu plus longtemps ..." (Ivan Illitch, Une société sans école, p 37)

LA PÉDAGOGIE DE L'ENTRAIDE :
APPRENDRE C'EST POUVOIR AIDER LES AUTRES


Dans ma première classe de CP à la Providence en 2008/2009 (je n'étais pas titulaire et avait un mi temps dans cette classe), je pratiquais l'entraide clandestinement. (J'avais été virée de mon précédent poste d'Assistante Pédagogique j'avais été virée de mon précédent poste d'Assistante Pédagogique après avoir témoigné de violences à enfants.par un inspecteur pro-violences après avoir témoigné de fessées sur des enfants de 3 ans.)
Je ne m'en vantais pas auprès de mes collègues. J'étais nouvelle et débutante.

L'ENTRAIDE, MEILLEUR SOUVENIR DE L’ANNÉE


En fin d'année, j'avais demandé aux enfants :
 "Quel a été votre meilleur souvenir cette année ?".
Pauline avait répondu "ce que j'ai préféré c'est aider Yanis". Et Yanis avait ensuite répondu de même pour Pauline.
Ce n'était pas les sorties, ni les projets mis en place, ni même le carnaval qui les avaient marqués mais l'entraide, le sentiment d'être utile et les liens de camaraderie qui en découlait.

Yanis était un enfant qui avait décroché en début d'année. Il était arrivé dans cette école privée après s'être fait virer de la cantine de l'école publique où il se trouvait auparavant.
Dès mon premier jour d'école, il s'était fait remarquer parce qu'il avait découpé son tee shirt. Ensuite, pour la débutante que j'étais, il avait été difficile de le canaliser.
Son échec scolaire précoce l'amenait à être en rébellion constante. Il arrivait qu'il pousse des colères et fassent tomber délibérément toutes ses affaires de sa table.

Pauline était aussi une élève en échec, qui redoublait son CP, qui n'osait jamais. Elle avait perdu confiance en elle.

DES PROGRÈS ÉNORMES PAR L'ENTRAIDE


Ces deux enfants là ont beaucoup progressé à tous points de vue. Yanis est devenu un élève apprécié des autres, un élève heureux de commencer à réussir, à savoir lire, écrire et compter. Un élève qui voulait toujours montrer qu'il savait. Et j'ai commencé à le voir se transformer en élève gentil avec les autres et enthousiaste à apprendre quand il était en position d'être aidé et d'aider.

Et Pauline osait enfin s'exprimer devant le groupe classe. Au quoi de neuf, elle s'inscrivait de plus en plus souvent, elle levait aussi de plus en plus souvent la main pour répondre à des questions de la maîtresse, n'était plus seule à la récréation et jouait avec des camarades. Elle avait aussi davantage confiance en elle, elle essayait de faire les activités. Des progrès ont aussi été constaté dans les diverses disciplines scolaires (mais de façon moins nette qu'au niveau des attitudes face au savoir et avec les autres)

INVENTER DES MÉTHODES OU DES ACTIVITÉS
POUR AIDER LES AUTRES

Cette méthode je l'ai appliquée dans mes autres classes jusqu'à ma suspension puis mon exclusion.

J'ai toujours vu les élèves se dépêcher de finir une activité pour pouvoir aider quelqu'un.

Ce qui faisait le plus plaisir aux élèves, c'était d'inventer des méthodes ou des activités pour aider les autres. J'ai vu beaucoup d'innovations de la part des enfants pour aider les enfants roumains de la classe à apprendre à parler, lire et écrire en français.
Au début, je les voyais reprendre les mêmes activités que les miennes puis ensuite ils se sont mis à inventer des jeux de cartes, à faire des petites activités sur l'ardoise que je n'avais pas déjà faite....

Aider les autres, les enfants aiment ça. Et encore plus quand ils peuvent aider en prenant des initiatives.

MONTER DES PROJETS A VOCATION D’UTILITÉ SOCIALE SUSCITE MOTIVATION ET ENTHOUSIASME CHEZ LES ENFANTS


Marionnettes fabriquées par les élèves de CE1
Chaque enfant a crée la marionnette du personnage de son histoire

Ce sont les marionnettes qui servaient à
s'entraîner. Il n'y avait pas encore de projet
de spectacle à ce moment là


Patapouf le personnage principal d'une des histoires
marionnette fabriquée grâce à des matériaux apportés
spontanément par les enfants












Quand les projets ont vocation à être utiles socialement, les élèves sont très enthousiastes.
Mes élèves de l'an dernier avaient inventé des histoires.
Ils avaient l'habitude de les mettre en scène avec des marionnettes toutes faites que j'avais achetées.
Ils adoraient ça. Mais quand il s'est agit d'organiser un spectacle pour les parents, leur motivation a grandi.

DE NOUVELLES IDÉES TOUS LES JOURS

Ils avaient toujours de nouvelles idées pour le spectacle. Ils apportaient du matériel pour la fabrication des marionnettes tous les jours, s'entraînaient à la récréation, débattaient de leur histoire, entraînaient ceux qui avaient plus de difficultés pour que ce soit réussit ....


Le spectacle de marionnettes. Il y avait un conteur sur le côté. Et les autres enfants derrière le castelet.
L'apprentissage va de pair avec l'utilité sociale.

DEWEY, DECROLY ET FREINET PERMETTAIENT
AUX ÉLÈVES DE DEVENIR DE PETITS JOURNALISTES

Dewey (Etats Unis) et Decroly (Belgique) furent les premiers à mettre en place le journal scolaire dans leur classe respective.
Les journaux scolaires de la classe de Decroly s’appelaient "L'écho de l'école" en 1917, puis "Le courrier de l'école" en 1925. Son idée est de permettre aux élèves de chaque classe de s'exprimer librement.


Celestin Freinet reprendra cette idée et la développera. Tous inscrivaient leur pédagogie dans une action plus globale au sein de la société.
Les élèves créaient un journal. Il y a donc des décisions à prendre. Et pour créer quelque chose, il faut coopérer et prendre des initiatives.
L'enfant n'est plus spectateur mais acteur.

RENDRE PUBLICS LES ÉCRITS DES ÉLÈVES
LEUR DONNE UNE FONCTION SOCIALE ET LES MOTIVE
UN BLOG D'ECOLE DAUPHINE 2011-2012

La directrice de l'école Dauphine au Havre, dans laquelle je me suis retrouvée lors de ma première année en tant que fonctionnaire stagiaire, avait compris l'importance de mettre en valeur les travaux des élèves. Elle avait crée un blog d'école. Mes élèves de CE2 faisaient les exposés de leur choix et leurs écrits étaient sur le site.(Ces traces ont toutes été effacées depuis) Les familles des enfants mettaient des commentaires souvent très touchants pour encourager leur enfant et les autres élèves. La dynamique dans la recherche d'information et le désir d'écrire étaient beaucoup plus grandes que lorsque j'organisais la discipline production écrite sans montrer à quiconque le rendu des productions. 

LES JOURNAUX SCOLAIRES DE CELESTIN FREINET

Freinet et Dewey iront plus loin que Decroly sur cette question. Freinet va se battre pour que les journaux de sa classe soient considérés au même titre que n'importe quel périodique. Michel Barré, ami de Ceslestin Freinet, témoigne :
"En 1951, lorsque Freinet demanda à obtenir ce tarif pour les journaux scolaires, on lui répondit officiellement que c'était "réservé aux organes d'information et de culture". Travaillant alors à son secrétariat, je me souviens de sa colère. Il me demanda d'acheter au kiosque de la gare une sélection de ce qui existait de plus nul dans la presse dite du cœur et les journaux pour enfants, bénéficiant du statut de périodiques.
Mon choix était si caractéristique que j'étais honteux de payer mon achat. Nous avons préparé un dossier significatif où figuraient aussi des extraits de journaux scolaires, qui fut distribué aux parlementaires.
Il fallut pourtant des années pour obtenir, à condition de centraliser les demandes à l'ICEM, que les journaux des enfants soient considérés comme de vrais périodiques."

Michel Barré (source)
Dewey aura lui aussi ce souci de rendre publique les articles de ces élèves.
»
« Ajoutons que l'école a acheté le journal local et qu'elle imprime un numéro hebdomadaire de quatre pages contenant des nouvelles locales et scolaires. Ce sont les élèves qui vont aux nouvelles composent la plupart des articles et les impriment. Ils s'occupent également de la gestion administrative du journal, sollicitant ici et là des annonces et des abonnements. Les professeurs de langue les aident quand besoin est.» (Amélie Hamaide, extrait de son livre, La méthode Decroly, repris par Christian Poslaniec)
Le feed back du public et l'utilité de donner des informations et rendre des lecteurs heureux de lire leurs écrits amènent les enfants à être très motivés par ce qu'ils sont en train de faire.

La motivation des élèves est énorme. Je l'ai vu dans mes classes.
Elise Freinet la décrit très bien :
" Les devoirs sont faits avec plus d'élan. On y sent plus de liberté, plus d'expansion, et parfois comme une joie sous-jacente à s'exprimer, à dire ses pensées. Après correction du maître, les meilleurs sont combinés par une équipe, corrigés et recorrigés par les rédacteurs eux-mêmes." (Freinet, Élise, 1981, p. 228, Naissance d'une pédagogie populaire. Historique de l'école moderne)
Les études scientifiques montrent que plus les élèves sont motivés, mieux ils réussissent.

Thérèse Bouffart, chercheuse à l'Université du Quebec à Montréal, écrit :
"La motivation des élèves fait partie des facteurs les plus déterminants
sur lesquels repose la réussite scolaire.
Or, cette motivation est sensible et tend à baisser au fur et à mesure de la progression dans le système scolaire."(source)
Laissons les enfants se rendre utile. Intégrons les apprentissages dans une perspective d'entraide et de projet. Les enfants seront plus heureux, plus enthousiastes à apprendre. Et peut être que les résultats PISA seront meilleurs qu'ils ne le sont actuellement.

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